De la Post-Démocratie en Amérique
Introduction
BIOGRAPHIE
Joe Lowndes est un spécialiste de la politique américaine, plus particulièrement de la politique de droite, du populisme et des questions raciales. Il est notamment l'auteur de From the New Deal to the New Right: Race and the Southern Origins of Modern Conservatism (Yale University Press) et coauteur, avec Daniel Martinez HoSang, de Producers, Parasites, Patriots: Race and the New Right-Wing Politics of Precarity (University of Minnesota Press).
Il coédite actuellement un ouvrage intitulé The Politics of the Multiracial Right (New York University Press, 2025) et travaille sur un autre livre, Adventures in Post-Democracy, qui cherche à expliquer la tendance autoritaire croissante dans la culture politique américaine à travers une chronique de son travail ethnographique dans les milieux de droite au cours de la dernière décennie (University of California Press, 2025).
Lowndes est conférencier invité au Hunter College. Avant de rejoindre Hunter, il était professeur de sciences politiques à l'université de l'Oregon. Il est titulaire d'un doctorat en sciences politiques de la New School for Social Research.
OUVRAGES
2019. Producers, Parasites, Patriots: Race and the New Right-Wing Politics of Precarity. With Daniel Martinez HoSang. University of Minnesota Press.
2008. From the New Deal to the New Right: Race and the Southern Origins of Modern Conservatism. Yale University Press.
2008. Race and American Political Development. Edited with Julie Novkov and Dorian Warren. Routledge Press.
TRAVAUX EN COURS
Adventures in Post-Democracy
Ce projet s'inscrit dans le prolongement de la littérature sur le recul de la démocratie en général, en allant au-delà des indices standard de la santé démocratique pour s'intéresser aux sites extra-institutionnels de la politique démocratique et antidémocratique. Notamment en ancrant la menace du déclin démocratique aux États-Unis dans les spécificités des anciens ordres raciaux. Joe Lowndes combine des observations sur le terrain lors d'événements du Parti républicain, de rassemblements d'extrême droite, de réunions de suprémacistes blancs et de contre-manifestations du mouvement Blue Lives Matter avec des archives sur le développement du populisme de droite depuis les années 1990. Le livre a suscité l'intérêt de l'Oxford University Press et de l'University of California Press.
The Rise of the Multiracial Right
Cet ouvrage coédité avec Daniel Martinez HoSang rassemble des universitaires de renom spécialisés dans les questions raciales et politiques (dont Janelle Wong, Corey Fields, Cristina Beltran et Laura Pulido) afin d'examiner ce phénomène parmi les électeurs, les élus et les entrepreneurs politiques noirs, latino-américains, asiatiques et autochtones, ainsi que dans des institutions conservatrices de premier plan, telles que des think tanks, des médias et des organisations politiques. Sous contrat avec New York University Press en novembre 2022.
Joe Lowndes est l’auteur de nombreux articles, essais et chapitres de livres dont vous pouvez trouver la liste intégrale sur son site internet : https://joelowndes.org/cv/
BIOGRAPHIE
Joe Lowndes est un spécialiste de la politique américaine, plus particulièrement de la politique de droite, du populisme et des questions raciales. Il est notamment l'auteur de From the New Deal to the New Right: Race and the Southern Origins of Modern Conservatism (Yale University Press) et coauteur, avec Daniel Martinez HoSang, de Producers, Parasites, Patriots: Race and the New Right-Wing Politics of Precarity (University of Minnesota Press).
Il coédite actuellement un ouvrage intitulé The Politics of the Multiracial Right (New York University Press, 2025) et travaille sur un autre livre, Adventures in Post-Democracy, qui cherche à expliquer la tendance autoritaire croissante dans la culture politique américaine à travers une chronique de son travail ethnographique dans les milieux de droite au cours de la dernière décennie (University of California Press, 2025).
Lowndes est conférencier invité au Hunter College. Avant de rejoindre Hunter, il était professeur de sciences politiques à l'université de l'Oregon. Il est titulaire d'un doctorat en sciences politiques de la New School for Social Research.
OUVRAGES
2019. Producers, Parasites, Patriots: Race and the New Right-Wing Politics of Precarity. With Daniel Martinez HoSang. University of Minnesota Press.
2008. From the New Deal to the New Right: Race and the Southern Origins of Modern Conservatism. Yale University Press.
2008. Race and American Political Development. Edited with Julie Novkov and Dorian Warren. Routledge Press.
TRAVAUX EN COURS
Adventures in Post-Democracy
Ce projet s'inscrit dans le prolongement de la littérature sur le recul de la démocratie en général, en allant au-delà des indices standard de la santé démocratique pour s'intéresser aux sites extra-institutionnels de la politique démocratique et antidémocratique. Notamment en ancrant la menace du déclin démocratique aux États-Unis dans les spécificités des anciens ordres raciaux. Joe Lowndes combine des observations sur le terrain lors d'événements du Parti républicain, de rassemblements d'extrême droite, de réunions de suprémacistes blancs et de contre-manifestations du mouvement Blue Lives Matter avec des archives sur le développement du populisme de droite depuis les années 1990. Le livre a suscité l'intérêt de l'Oxford University Press et de l'University of California Press.
The Rise of the Multiracial Right
Cet ouvrage coédité avec Daniel Martinez HoSang rassemble des universitaires de renom spécialisés dans les questions raciales et politiques (dont Janelle Wong, Corey Fields, Cristina Beltran et Laura Pulido) afin d'examiner ce phénomène parmi les électeurs, les élus et les entrepreneurs politiques noirs, latino-américains, asiatiques et autochtones, ainsi que dans des institutions conservatrices de premier plan, telles que des think tanks, des médias et des organisations politiques. Sous contrat avec New York University Press en novembre 2022.
Joe Lowndes est l’auteur de nombreux articles, essais et chapitres de livres dont vous pouvez trouver la liste intégrale sur son site internet : https://joelowndes.org/cv/
Prologue
Par deux fois, en 2016 puis en 2020, les primaires démocrates ont failli connaître un dénouement inédit. Alors même qu’il se définissait comme un socialiste et n’était même pas membre du parti, Bernie Sanders n’est pas passé loin d’obtenir l’investiture.
Avant lui, sans doute, d’autres candidats progressistes avaient tenté de rallier l’électorat de gauche. Toutefois, la campagne de l’élu du Vermont était de nature différente : en tant que Sénateur indépendant, son objectif n’était pas tant d’élargir la base électorale du Parti démocrate que d’obliger son appareil à changer d’orientation.
Si le cas Bernie est à ce jour unique du côté des Démocrates, il n’en va pas de même chez leurs rivaux républicains. Les tentatives de capture idéologique et institutionnelle de la formation conservatrice par une frange radicale y sont en effet récurrentes et souvent couronnées de succès. Telle est la thèse convaincante défendue par Joe Lowndes, qui est à la fois un fin analyste de la droite américaine et un intrépide ethnographe de ses courants les plus extrêmes. Au cours des six dernières décennies, explique le politiste, c’est peu dire que l’entrisme de la droite de la droite a porté ses fruits. Car même lorsque son premier assaut a été repoussé, à terme, elle a toujours fini par remodeler le Parti républicain à son image.
From the New Deal to the New Right, le premier livre de Joe Lowndes, invitait déjà à réinterpréter de la sorte la victoire de Richard Nixon aux élections présidentielles de 1968 et de 1972. Plutôt qu’à l’absorption des Démocrates du Sud dans un Parti républicain inchangé, l’ouvrage montrait que la “stratégie sudiste” de Nixon correspondait à la conquête de son parti par les nostalgiques de la ségrégation.
En dépit de la lourde défaite subie par Barry Goldwater à l’élection présidentielle de 1964, le processus de radicalisation républicaine entamé lors de sa campagne aurait donc été le prélude d’une transformation durable de la droite américaine.
Le Parti républicain n’a jamais cessé de laisser la porte entrouverte aux nativistes et aux idéologues racialistes. Toutefois, jusqu’à la fin de la Guerre froide, tant l’empreinte du mouvement des droits civiques que les contraintes rhétoriques imposées par la défense du “monde libre” ont contribué à modérer, sinon les actes, du moins les propos de ses dirigeants. Ainsi, même sous la présidence de Ronald Reagan, les mesures sociales les plus régressives demeuraient présentées comme “aveugles” à la couleur de peau et au genre des personnes qu’elles privaient de droits et de protections. En revanche, de telles précautions ont été jugées moins nécessaires après la chute de l’empire soviétique, tout au moins chez les plus rétifs au tropisme néoconservateur de la direction du parti.
Dans son travail récent -- depuis Producers, Parasites, Patriots, livre coécrit avec Daniel Martinez HoSang, jusqu’aux Adventures in Post-Democracy qu’il est en train d’achever – Joe Lowndes étudie les progrès de l’interpénétration du conservatisme bon teint et de l’extrême-droite depuis le début des années 1990. L’histoire qu’il retrace débute avec l’échec de la candidature de Pat Buchanan à l’investiture républicaine en 1992 et se prolonge jusqu’au retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Au cours de notre entretien, il est d’abord revenu sur les jalons successivement posés par les paléoconservateurs lors de la première Guerre du Golfe et par le Tea Party sous la présidence de Barack Obama, avant de nous éclairer sur l’évolution des relations entre les groupes néofascistes, la base MAGA et les administrations Trump.
L’un des enseignements les plus remarquables que Joe Lowndes tire de son exploration des zones les plus glauques de la politique étatsunienne porte sur le contraste entre ce que les media traditionnels présentent comme les épisodes les plus calamiteux du premier mandat de Donald Trump et l’impact de ces mêmes événements sur la base électorale du 45ème et désormais 47ème président des États-Unis. Loin d’avoir entamé le crédit de leur champion, souligne en effet Joe Lowndes, l’issue tragique du rassemblement des groupuscules néofascistes de Charlottesville, la gestion gouvernementale de la pandémie de COVID, les manifestations gigantesques qui ont suivi le meurtre de George Floyd et l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 ont au contraire contribué à radicaliser ses partisans mais aussi à les rendre plus confiants dans l’avenir de leur mouvement.
Une autre dimension du travail que Joe Lowndes poursuit avec Daniel Martinez HoSang concerne l’émergence d’une extrême droite multiraciale aux États-Unis. Attestée par l’importante croissance du vote minoritaire pour Donald Trump entre 2016 et 2024, ce phénomène s’illustre également par la présence d’un nombre conséquent de militants de couleur au sein des groupuscules les plus extrémistes. Une pareille tendance ne signifie aucunement que le racisme et la xénophobie ont perdu de l’importance dans le trumpisme 2.0, bien au contraire. La nouveauté réside plutôt dans le fait que le culte MAGA accueille désormais volontiers toute personne disposée à célébrer la blanchité, le nativisme et la masculinité – indépendamment de sa propre couleur de peau, de ses origines ou de son genre.
Enfin, nous avons interrogé Joe Lowndes sur ce que ses pérégrinations dans les rassemblements de la nouvelle “nouvelle droite” lui ont appris, non seulement sur le bloc MAGA, mais aussi sur les points aveugles et les dénis de ses adversaires. Ainsi a-t-il évoqué des libéraux déterminés à occulter leurs responsabilités dans la victoire républicaine, et dont l’antifascisme consiste à vouloir revenir au statu quo ante, mais aussi une gauche plus encline à refaire inlassablement le procès du libéralisme qu’à se confronter aux enjeux posés par l’élection de 2024.
Notre entretien a eu lieu à New York, le 24 février 2025.
Prologue
Par deux fois, en 2016 puis en 2020, les primaires démocrates ont failli connaître un dénouement inédit. Alors même qu’il se définissait comme un socialiste et n’était même pas membre du parti, Bernie Sanders n’est pas passé loin d’obtenir l’investiture.
Avant lui, sans doute, d’autres candidats progressistes avaient tenté de rallier l’électorat de gauche. Toutefois, la campagne de l’élu du Vermont était de nature différente : en tant que Sénateur indépendant, son objectif n’était pas tant d’élargir la base électorale du Parti démocrate que d’obliger son appareil à changer d’orientation.
Si le cas Bernie est à ce jour unique du côté des Démocrates, il n’en va pas de même chez leurs rivaux républicains. Les tentatives de capture idéologique et institutionnelle de la formation conservatrice par une frange radicale y sont en effet récurrentes et souvent couronnées de succès. Telle est la thèse convaincante défendue par Joe Lowndes, qui est à la fois un fin analyste de la droite américaine et un intrépide ethnographe de ses courants les plus extrêmes. Au cours des six dernières décennies, explique le politiste, c’est peu dire que l’entrisme de la droite de la droite a porté ses fruits. Car même lorsque son premier assaut a été repoussé, à terme, elle a toujours fini par remodeler le Parti républicain à son image.
From the New Deal to the New Right, le premier livre de Joe Lowndes, invitait déjà à réinterpréter de la sorte la victoire de Richard Nixon aux élections présidentielles de 1968 et de 1972. Plutôt qu’à l’absorption des Démocrates du Sud dans un Parti républicain inchangé, l’ouvrage montrait que la “stratégie sudiste” de Nixon correspondait à la conquête de son parti par les nostalgiques de la ségrégation.
En dépit de la lourde défaite subie par Barry Goldwater à l’élection présidentielle de 1964, le processus de radicalisation républicaine entamé lors de sa campagne aurait donc été le prélude d’une transformation durable de la droite américaine.
Le Parti républicain n’a jamais cessé de laisser la porte entrouverte aux nativistes et aux idéologues racialistes. Toutefois, jusqu’à la fin de la Guerre froide, tant l’empreinte du mouvement des droits civiques que les contraintes rhétoriques imposées par la défense du “monde libre” ont contribué à modérer, sinon les actes, du moins les propos de ses dirigeants. Ainsi, même sous la présidence de Ronald Reagan, les mesures sociales les plus régressives demeuraient présentées comme “aveugles” à la couleur de peau et au genre des personnes qu’elles privaient de droits et de protections. En revanche, de telles précautions ont été jugées moins nécessaires après la chute de l’empire soviétique, tout au moins chez les plus rétifs au tropisme néoconservateur de la direction du parti.
Dans son travail récent -- depuis Producers, Parasites, Patriots, livre coécrit avec Daniel Martinez HoSang, jusqu’aux Adventures in Post-Democracy qu’il est en train d’achever – Joe Lowndes étudie les progrès de l’interpénétration du conservatisme bon teint et de l’extrême-droite depuis le début des années 1990. L’histoire qu’il retrace débute avec l’échec de la candidature de Pat Buchanan à l’investiture républicaine en 1992 et se prolonge jusqu’au retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Au cours de notre entretien, il est d’abord revenu sur les jalons successivement posés par les paléoconservateurs lors de la première Guerre du Golfe et par le Tea Party sous la présidence de Barack Obama, avant de nous éclairer sur l’évolution des relations entre les groupes néofascistes, la base MAGA et les administrations Trump.
L’un des enseignements les plus remarquables que Joe Lowndes tire de son exploration des zones les plus glauques de la politique étatsunienne porte sur le contraste entre ce que les media traditionnels présentent comme les épisodes les plus calamiteux du premier mandat de Donald Trump et l’impact de ces mêmes événements sur la base électorale du 45ème et désormais 47ème président des États-Unis. Loin d’avoir entamé le crédit de leur champion, souligne en effet Joe Lowndes, l’issue tragique du rassemblement des groupuscules néofascistes de Charlottesville, la gestion gouvernementale de la pandémie de COVID, les manifestations gigantesques qui ont suivi le meurtre de George Floyd et l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 ont au contraire contribué à radicaliser ses partisans mais aussi à les rendre plus confiants dans l’avenir de leur mouvement.
Une autre dimension du travail que Joe Lowndes poursuit avec Daniel Martinez HoSang concerne l’émergence d’une extrême droite multiraciale aux États-Unis. Attestée par l’importante croissance du vote minoritaire pour Donald Trump entre 2016 et 2024, ce phénomène s’illustre également par la présence d’un nombre conséquent de militants de couleur au sein des groupuscules les plus extrémistes. Une pareille tendance ne signifie aucunement que le racisme et la xénophobie ont perdu de l’importance dans le trumpisme 2.0, bien au contraire. La nouveauté réside plutôt dans le fait que le culte MAGA accueille désormais volontiers toute personne disposée à célébrer la blanchité, le nativisme et la masculinité – indépendamment de sa propre couleur de peau, de ses origines ou de son genre.
Enfin, nous avons interrogé Joe Lowndes sur ce que ses pérégrinations dans les rassemblements de la nouvelle “nouvelle droite” lui ont appris, non seulement sur le bloc MAGA, mais aussi sur les points aveugles et les dénis de ses adversaires. Ainsi a-t-il évoqué des libéraux déterminés à occulter leurs responsabilités dans la victoire républicaine, et dont l’antifascisme consiste à vouloir revenir au statu quo ante, mais aussi une gauche plus encline à refaire inlassablement le procès du libéralisme qu’à se confronter aux enjeux posés par l’élection de 2024.
Notre entretien a eu lieu à New York, le 24 février 2025.